Les greffes de cornée au Canada : un bilan « lamentable »

SCO 2012, le 3 juillet - Le bilan des greffes de cornée au Canada est lamentable comparativement à celui d'autres régions du monde, et les experts demandent au Canada de s'amender.

« À beaucoup de points de vue, nous sommes plus mal lotis que certaines régions du monde en développement », a déclaré le Dr Paul Dubord, professeur clinicien au Département d'ophtalmologie et de sciences de la vision à l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. (Par exemple, à Hyderabad, capitale de l'Andhra Pradesh, État de l'Inde qui compte 84,6 millions d'habitants, « la population a un meilleur accès aux greffes de cornée que celle du Canada » a-t-il ajouté.)

Les chirurgiens du Canada effectuent moins de 2500 greffes de cornée par année - environ la moitié du nombre effectué par leurs homologues des États-Unis, où le besoin de greffes de cornée est à peu près le même qu'au Canada. Les temps d'attente pour une greffe de cornée au Canada varient en moyenne de 6 à 36 mois, tandis qu'il n'y a pas de liste d'attente élective aux États-Unis. Le Dr Dubord a aussi signalé que le pourcentage des interventions chirurgicales pratiquées en urgence est plus important au Canada qu'aux États-Unis.

Seulement 20 % des tissus de cornée sont taillés d'avance au Canada, comparativement à un pourcentage qui varie de 40 % à 50 % aux États-Unis. « Si l'on coupe d'avance des tissus dans la banque d'yeux, le tissu est de meilleure qualité, on sait exactement ce que l'on transplante parce qu'on procède au dénombrement des cellules endothéliales après la coupe, et c'est préférable pour les hôpitaux parce qu'il faut passer moins de temps en salle d'opération pour effectuer l'intervention », a déclaré le Dr Dubord.

Le Dr Dubord est aussi le président du conseil d'administration de SightLife, une des principales banques d'yeux du monde, et il a ajouté que les banques d'yeux du Canada ne rendent pas suffisamment de comptes. « Qu'une banque d'yeux n'effectue aucune greffe de cornée ou qu'elle en effectue 3000, elle obtient exactement le même financement. Il n'y a pas d'obligation de rendre compte pour augmenter le rendement et améliorer la prestation des soins aux patients », a-t-il dit. Il y a aussi un « déséquilibre énorme » entre l'offre de cornées données et la demande au Canada, même si son expérience indique que les gens veulent donner autant au Canada que n'importe où ailleurs.

La greffe de cornée est aussi très rentable. Dans un rapport publié en 2011, la Société canadienne du sang indiquait qu'une greffe de cornée au Canada coûtait 5117 $ en dollars de 2010. Le Dr Dubord a signalé que le Canada considère que toute intervention dans le domaine de la santé est rentable si elle coûte moins de 40 000 $ à 50 000 $ par année de vie ajustée sur la qualité (AVAQ). Une étude a révélé une utilité de coût de 11 557 $, 10 ans après une kératoplastie pénétrante (KP), ce qui indique que la greffe de cornée est rentable.

Les solutions qui permettraient d'améliorer la greffe de cornée au Canada comprennent la création d'un modèle plus fructueux, ce qui peut signifier reproduire ce qui s'est fait ailleurs dans le monde. Une meilleure gestion du système de banques d'yeux constitue un élément clé, a déclaré le Dr Dubord. « La plupart des chirurgiens ne sont pas habitués à avoir accès à des cornées de bonne qualité », a-t-il ajouté. Il faut en outre nous pencher sur la formation des chirurgiens et des associés pour accélérer la kératoplastie pénétrante.

Il faut corriger les lacunes des réseaux de distribution afin de faciliter le transfert de tissus cornéens excédentaires d'une communauté ou province à une autre afin de répondre à la demande.

« La législation nécessaire existe au Canada et la plupart des banques d'yeux sont agréées par la Eye Bank Association of America. C'est tout simplement que les systèmes et les processus en place ne sont pas bons, et que la formation ne l'est pas non plus. Il y aura des défis à relever, mais nous devrons mettre sur pied un programme intégré de greffe de cornée et de banques d'yeux au Canada pour le bien commun, c'est à-dire pour mieux répondre aux besoins de nos patients », a conclu le Dr Dubord.

« À beaucoup de points de vue, nous sommes plus mal lotis que certaines régions du monde en développement.... [Par exemple, à Hyderabad] la population a un meilleur accès aux greffes de cornée que celle du Canada. »