Projet d’examen des yeux des enfants autochtones (Projet ICEE)

jeudi août 7, 2025

Fondateur : Dr Kourosh Sabri, MB.ChB., FRCOphth, FRCSC

Des soins oculaires ancrés dans la confiance, la vérité et la réconciliation

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a lancé 94 appels à l’action exhortant les gouvernements et les institutions à réparer l’héritage des pensionnats autochtones et à faire progresser la réconciliation. Parmi ces appels figuraient des directives claires
visant à :

  1. Combler les écarts dans les résultats en matière de santé entre les communautés autochtones et les communautés non autochtones;
  2. Augmenter le nombre de professionnels autochtones travaillant dans le domaine des soins de santé;
  3. Offrir une formation en compétence culturelle à tous les professionnels de la santé.

Malgré ces objectifs, de flagrantes disparités persistent, notamment en santé oculaire.

Les soins de la vue pour les enfants autochtones demeurent l’une des crises de santé les plus négligées au Canada. Alors que plus de 32 % des membres des populations autochtones ont moins de 15 ans et que des milliers d’entre eux vivent dans des régions éloignées, l’accès à des soins oculaires de base est limité ou inexistant. Dans les territoires, les patients doivent souvent parcourir plus de 900 km simplement pour consulter un spécialiste des soins de la vue. La cécité est six fois plus fréquente chez les enfants autochtones que chez leurs pairs non autochtones. Le diabète, de plus en plus courant chez les jeunes autochtones, augmente également le risque de complications graves pouvant menacer la vision.

Conscient de ce besoin urgent, le Dr Kourosh Sabri, ophtalmologiste pédiatrique et professeur à l’Université McMaster, a fondé le Projet d’examen des yeux des enfants autochtones (Projet ICEE, ou Indigenous Children’s Eye Examination en anglais) en 2019. Avec la Dre Yasmin Jindani, optométriste responsable et coordonnatrice nationale du projet ICEE, des médecins, optométristes, orthoptistes, opticiens et techniciens en ophtalmologie accomplissent la mission simple, mais puissante, du projet ICEE : Aidez un enfant à voir, et il verra un avenir plus lumineux.

Une mauvaise vision durant l’enfance contribue à des difficultés scolaires, à l’isolement social, à des problèmes de comportement, ainsi qu’à un risque accru de dépression et de suicide. Le projet ICEE s’attaque de front à cette crise au moyen de quatre piliers clés qui s’alignent directement sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation :

« Le projet ICEE donne vie au sens véritable des soins de santé dans la région de la baie James et de la baie d’Hudson. Avoir une bonne vue n’est pas un luxe, c’est un élément essentiel permettant aux enfants de participer à leur éducation, aux activités sociales et sportives, d’assurer leur sécurité et d’accéder à un monde nouveau de possibilités pour leur avenir. »

– Sandra Kioke, vice-présidente principale et chef de la direction des soins infirmiers, Weeneebayko Area Health Authority (WAHA), le long de la baie d’Hudson (Ontario)

Les quatre piliers d’impact du projet ICEE

  1. Accès à des soins oculaires dans les communautés
    Le projet ICEE offre des examens de la vue complets directement dans les communautés autochtones éloignées et mal desservies. Les enfants qui ont besoin de lunettes y ont droit sans frais pour les familles ou les communautés. Jusqu’à présent, plus de 75 % des enfants examinés grâce au projet ICEE avaient besoin de verres correcteurs. Ceux ayant besoin de soins plus avancés sont orientés et conduits vers le centre de soins tertiaires pédiatriques le plus près.
  2. Suivi par télémédecine
    Les soins continus se poursuivent grâce à des cliniques de télémédecine hebdomadaires. Les professionnels du projet ICEE travaillent en collaboration avec du personnel infirmier formé de la communauté pour offrir des soins de suivi à l’aide de télétechnologies. Le projet met également au point un logiciel personnalisé afin d’améliorer le dépistage visuel chez les enfants au moyen de la télésanté
  3. Formation des jeunes autochtones à l’échelle locale
    Le projet ICEE crée un modèle durable en formant des jeunes autochtones afin qu’ils deviennent des techniciens en ophtalmologie dans la communauté. Ces personnes suivent une formation pratique à l’Hôpital McMaster pour enfants et dans des cliniques d’optométrie urbaines. Un programme d’études composé de huit modules de formation interactifs comportant des évaluations des compétences vient appuyer leur apprentissage. En 2022, le projet ICEE a recruté la première diplômée autochtone du secondaire de la Première Nation d’Attawapiskat, en Ontario, afin qu’elle suive la formation pour devenir technicienne en ophtalmologie. Après avoir passé une semaine à Hamilton en compagnie de son père pour suivre la formation, elle est retournée à Attawapiskat pour établir la première clinique ophtalmologique pédiatrique à distance pour les enfants de sa communauté.
  4. Renforcement de la confiance pour des soins élargis
    Le projet ICEE établit la confiance au sein des communautés, ce qui ouvre la porte à d’autres soins de santé. Par exemple, en partenariat avec ICEE, des chirurgiens plasticiens établissent maintenant des cliniques de soins des plaies dans des communautés éloignées des Premières Nations le long de la baie d’Hudson – une occasion rendue possible uniquement une fois la confiance envers l’équipe du projet ICEE acquise.

Une promesse non tenue de soins de santé universels

La Loi canadienne sur la santé garantit l’accès universel aux services de soins de santé essentiels. Cependant, pour de nombreux enfants autochtones, cette promesse n’a toujours pas été honorée. Même si le Programme des services de santé non assurés (SSNA) couvre techniquement le transport des patients autochtones, sa bureaucratie, les longs délais, les coûts élevés (jusqu’à 4 000 $ par voyage) et le stress émotionnel lié au fait de quitter son domicile et sa famille en font une solution peu pratique. Par conséquent, les besoins en soins de la vue de nombreux enfants autochtones ne sont toujours pas pris en charge.

« Depuis ses débuts en 2019, le programme ICEE a examiné plus de 1 000 enfants dans la région de la baie James en Ontario et dans le Nord de la Saskatchewan. Sans le programme, ces enfants n’auraient peut-être pas pu passer un important examen de la vue ou auraient dû parcourir des centaines de kilomètres pour le faire. Chez WAHA, nous remercions le programme et sa merveilleuse équipe qui s’est rendue dans toutes nos communautés, permettant ainsi à nos enfants d’avoir accès aux soins qu’ils méritent. »

– Dre Elaine Innes, chef du personnel, Weeneebayko Area Health Authority (WAHA), le long de la baie d’Hudson (Ontario).

Un appel à l’aide : L’avenir du projet ICEE est compromis

Le projet ICEE possède la vision, l’équipe et la confiance des communautés qu’il sert. Il lui manque cependant un financement durable.

Malgré son efficacité démontrée, le projet ICEE a essuyé plusieurs refus de la part d’organismes de financement, y compris les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le ministère de la Santé de l’Ontario. Sans un nouveau soutien, le financement actuel sera épuisé au cours des 12 prochains mois, ce qui pourrait empêcher l’expansion vers d’autres provinces et même restreindre les services actuels.

Comment aider

Le projet ICEE est plus qu’un programme de soins oculaires – il s’agit d’une étape vers la réconciliation, fondée sur le respect, la confiance et les gestes. Ensemble, nous pouvons faire en sorte que tous les enfants au Canada, peu importe l’endroit où ils habitent, puissent voir l’avenir qu’ils méritent.

Toutes les photos avec l’aimable autorisation du projet ICEE