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AUTOMNE 2017
À la défense de l'ophtalmologie - Un appel à la mobilisation

Chères collègues, chers collègues,

J'ai le plaisir de m'adresser à vous alors que j'entame la deuxième moitié de mon mandat. En réfléchissant au thème de ce numéro, j'ai été guidé par l'une des valeurs fondamentales de la SCO, le leadership, et de quelle manière nous pouvons satisfaire à cette attente importante, personnellement, en tant que médecin et membre de la SCO.

Les ophtalmologistes partout au pays s'inquiètent de l'état actuel et futur de notre profession :

  • l'élargissement du champ de pratique d'autres disciplines menace de saper la valeur de nos compétences et d'exposer nos patients à des risques
  • la confusion entre les rôles variés (et distincts) des membres de l'équipe de soins oculaires (les trois « o ») règne dans l'esprit du public
  • les coupures gouvernementales, comme les réductions de rémunération pour les chirurgies de la cataracte dans certaines juridictions, menacent nos revenus et reflètent un manque d'appréciation fondamental de nos aptitudes chirurgicales
  • les changements que le gouvernement fédéral se propose d'apporter aux règles d'imposition des petites entreprises pourraient avoir des conséquences graves pour l'exercice de la médecine en général

Dans ce climat et dans un contexte de percées technologiques passionnantes, la population vieillit et le besoin pour nos services et notre expertise demeure inégalé.

L'interaction de divers facteurs a mené à cette situation. Pour ce qui est du champ de pratique, d'autres membres de l'équipe de soins oculaires ont indiscutablement fait une meilleure promotion de leur profession et ont mieux réussi à se faire entendre. Ils ont dépensé les fonds nécessaires pour développer des campagnes qui ont attiré l'attention et conquis le public. Ils ont réussi à se positionner face aux décideurs clés en matière de soins de santé et les ont convaincus de la valeur de leur profession. Les réductions de rémunération draconiennes en ophtalmologie résultent d'un manque de compréhension de notre profession de la part des gouvernements. De plus, ces réductions de rémunération sont la manifestation d'un raisonnement fondamentalement illogique voulant qu'un acte qui demande moins de temps a une valeur moindre, sans tenir compte du fait que dans le contexte d'une technologie en constante évolution, la formation et les aptitudes requises ont plus de valeur que jamais. En essayant de répondre au besoin croissant de chirurgies de la cataracte, nous sommes essentiellement punis pour l'innovation, la rapidité, la sécurité et la plus grande précision de nos résultats. Notre rémunération est une cible facile pour les médias et les gouvernements tandis qu'on ne mentionne aucunement les salaires que nous versons à notre personnel, le coût très élevé du matériel et des technologies dont nous avons besoin, ni celui de l'assurance contre la faute professionnelle.

Quelles sont les solutions? C'est là qu'intervient le leadership, au niveau personnel et à celui de la SCO. Nous ne réglerons pas ces problèmes en nous lamentant, mais plutôt en présentant un front uni avec des messages clairs aux différents groupes que nous devons influencer. Nous devons tirer des enseignements de ce que d'autres organisations ont fait avec succès. L'apathie ne fera qu'éroder encore plus notre profession, grignoter notre rôle central dans l'équipe de soins oculaires et ainsi réduire notre réputation aux yeux du public. Actuellement, notre profil public est géré par des forces en dehors de notre profession et il est grand temps pour nous de reprendre ce rôle et de nous assurer que nous sommes dépeints et perçus le plus exactement possible.

En tant que médecins, nous avons l'obligation de manifester du leadership chaque jour dans nos cliniques et salles d'opération afin de garantir que les Canadiens reçoivent des soins oculaires axés sur le patient, reposant sur les preuves, et de la plus haute qualité possible. Le champ de pratique doit être déterminé par une bonne formation, non par la législation, et nos patients devraient avoir droit à une chirurgie sécuritaire effectuée exclusivement par des chirurgiens. Notre responsabilité est non seulement de transférer le savoir et les compétences, mais également de préserver la profession, et cela signifie s'impliquer et donner l'exemple d'un engagement constructif aux jeunes médecins que nous formons et dont nous assurons le mentorat. Enfin, nous devons continuer à innover et à développer nos compétences professionnelles, tout en nous assurant qu'une telle innovation ne revienne pas nous hanter parce qu'elle est adoptée par des professionnels de la santé de domaines connexes ayant une formation inadéquate, ou parce qu'elle entraîne une réduction de notre rémunération.

Au niveau national, la SCO a toujours représenté l'ophtalmologie d'une voix concertée. À mesure de la croissance de la SCO, nos relations avec les sociétés de surspécialité et les associations provinciales ont suivi. Pour ce qui est des sociétés de surspécialité, nous avons évolué afin d'aborder des problèmes importants qui entourent de nouveaux médicaments (par exemple, l'essor des thérapies anti-VEGF) et des innovations (par exemple, la production d'un rapport sur les services non assurés). Autrefois, les associations provinciales faisaient appel à la SCO par l'intermédiaire du Conseil des affaires provinciales. Bien que ce Conseil constituait un forum pour partager les histoires de réussite et pour exprimer les griefs, il n'existait pas de mécanisme pour traiter efficacement les préoccupations provinciales. Le Conseil a donc été dissous et remplacé par le Conseil des grands enjeux de la profession de la SCO, sous la direction du Dr Phil Hooper.

Après une consultation exhaustive auprès des associations provinciales, la SCO a entrepris une campagne nationale de sensibilisation ambitieuse, intitulée Voir les possibilités, qui vise à rehausser le profil de l'ophtalmologie et à faire en sorte que le public, les gouvernements et les médias comprennent mieux les compétences et l'innovation que nous apportons à la santé oculaire. La SCO est régulièrement appelée à soutenir les associations provinciales (là où les décisions relatives au champ de pratique et à la rémunération sont prises) et il est devenu évident que plusieurs de ces associations n'ont pas l'infrastructure ni le leadership de médecins bénévoles pour organiser des interventions efficaces et en temps voulu de relations gouvernementales ou publiques lorsque les problèmes se présentent. Faute de voix, leur capacité à prévenir ou à contrer les menaces aux niveaux local et provincial s'en voit considérablement diminuée.

Pour mieux remplir sa mission, qui est d'être l'instance nationale reconnue en matière de soins des yeux et de la vue au Canada, la SCO demandera à chaque membre de faire une contribution au Fonds de promotion et de sensibilisation publique afin de soutenir la campagne Voir les possibilités et d'appuyer la création d'outils de formation pour promouvoir la profession. Cette campagne aidera à positionner l'ophtalmologie comme la ressource incontournable pour les gouvernements, les médias et le public. Cela aura pour effet d'influencer la perception publique de l'ophtalmologie et vous aidera dans les interactions avec votre gouvernement provincial. En tant que médecins, nous n'avons pas la formation ni les aptitudes pour courtiser et influencer les gouvernements de manière efficace. Des fonds dédiés aideraient la SCO à habiliter les associations provinciales et les sociétés de surspécialité en les dotant des outils promotionnels et de la formation nécessaires pour contrer les menaces à notre profession.

Nous devons accepter le fait de devoir payer pour acquérir l'expertise nécessaire pour nous aider. Les experts en promotion et en relations gouvernementales et publiques coûtent cher et les campagnes prennent du temps. Il s'agit donc d'un engagement à long terme. C'est le moment d'investir dans notre profession. Et bien que personne n'aime dépenser plus d'argent, je vous demande d'évaluer soigneusement le coût de ne rien faire.

Je lance un appel à la mobilisation pour que tous les ophtalmologistes participent à la solution, tant au niveau local que national. Je vous invite à participer au niveau local en vous impliquant dans vos sections et associations provinciales et en soutenant leur travail. Et, lorsque vient le moment de renouveler votre cotisation à la SCO, je vous enjoins à choisir l'option d'appuyer les efforts de notre campagne de promotion et de sensibilisation publique au niveau national.

Sincères salutations,

Guillermo Rocha, MD FRCSC FACS
Président, Société canadienne d'ophtalmologie